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Réponse à la direction de l’ENS à propos de la pétition contre la sous-traitance

Réponse signée par CGT Ferc-Sup, Solidaires étudiant.e.s, Commob Ulm et Grève Jourdan

1er juillet 2020

Madame, Monsieur,


Votre réponse à notre pétition sur les conditions de travail du personnel en sous-traitance nous a au moins permis d’acquérir la certitude suivante, l’amélioration des conditions de
travail de ces collègues n’est pas votre priorité.


Vous affirmez que l’ENS n’a pas recours à la sous-traitance. Dans notre pétition, nous avons dénoncé les conditions de travail du personnel employé par les entreprises Derrichebourg puis Labrenne. Ces mauvaises conditions sont caractéristiques de la situation des personnels employés par les entreprises spécialisées dans la sous-traitance. Ces deux entreprises sont d’ailleurs régulièrement dénoncées par les syndicats de l’hôtellerie et du nettoyage pour les mauvaises conditions de travail infligées aux employé.e.s. Elles
ont été plusieurs fois condamnées au tribunal pour leurs mauvaises pratiques, notamment dans les situations de transfert de marché.


Pour les employé.e.s de cette entreprise, il n’y a pas de différence entre travailler pour une entreprise en contrat avec l’ENS (quand bien même l’entreprise en question serait titulaire d’un marché public) et travailler dans un cadre correspondant à la définition formelle de la sous-traitance que vous nous opposez.

Vous reconnaissez que l’entreprise titulaire du marché de nettoyage a fourni des masques chirurgicaux à ses personnels ainsi que des gants jetables dès le 1er avril 2020, des flacons de solution hydroalcoolique à compter de la mi-avril. Cela veut donc bien dire que le personnel de nettoyage a travaillé pendant plus de deux semaines sans masque au pic de la diffusion de pandémie et sans solution hydroalcoolique jusqu’à la mi-avril. Quelle serait la différence avec une « véritable » situation de sous-traitance selon vous ?


Nous souhaitons également rappeler que le personnel de ménage est employé à mi-temps par Labrenne, et ce sans prendre en compte la volonté des employé.e.s et en refusant systématiquement les demandes de temps plein. Il n’y a pour la très grande majorité, pour ne pas dire l’ensemble de ce personnel, aucune prise en compte de l’ancienneté ni d’avancement de carrière possible. Ainsi, les agents de nettoyages touchent généralement un salaire de 900 euros par mois pendant toute leur vie professionnelle. Le prisme
purement « légaliste » de votre analyse de la situation a le mérite de signifier explicitement votre indifférence vis-à-vis de ces personnels que vous qualifiez d’ailleurs, de non- essentiels à la mission « de formation et de recherche » dans le dernier paragraphe. Quelle serait la différence avec une « véritable » situation de sous-traitance selon vous ?


L’entreprise Labrenne ne met en place aucune politique d’aide concernant les déplacements entre le domicile et le lieu de travail pour ses employé.e.s, habitant pour la plupart en villes populaires périphériques. La plupart des employé.e.s n’ont pas les moyens de payer en une fois un passe Navigo s’élevant à 75,20 euros par mois. Elles et ils achètent donc des billets au fur et à mesure pour étaler les dépenses, ce qui les contraint à payer plus cher les trajets à l’unité. Quelle serait la différence avec une « véritable » situation de sous-
traitance selon vous ?


En raison de ces mauvaises conditions de travail, ce sont des personnes victimes de multiples discriminations sur le marché du travail qui occupent ces postes, des femmes racisées dont la plupart sont étrangères. Quelle serait la différence avec une « véritable » situation de sous-traitance selon vous ?


Sachez enfin que, s’il est besoin de le rappeler, notre objectif n’est en rien de profiter de la situation pour mettre la direction dans l’embarras, et encore moins de fragiliser l’institution. Nous aurions largement préféré travailler à l’information, au soutien et à l’amélioration des conditions de travail de ces salarié.e.s avec votre concours, plutôt que de consacrer plusieurs jours à rédiger et à relayer cette pétition. Nous sommes donc sincèrement déçus par votre réaction qui, loin d’être constructive et d’apaiser les tensions, ne se résume qu’à une litanie juridique désincarnée, évitant soigneusement de répondre précisément à la situation rapportée.

Notre déception est plus grande encore au vu des déclarations de la direction de l’ENS pendant la période de confinement, qui affichaient une volonté de soutien envers les membres les plus démunis et les plus exposés aux dangers de cette crise sanitaire. Dans une lettre du 20 mars 2020 de Marc Mézard, on pouvait lire :  » Au sein de notre communauté normalienne, nous prêtons une attention particulière à tous ceux avec qui nous étions en relation avant la mi-mars, maintenons ce réseau de liens professionnels et
personnels, et soyons particulièrement attentifs à ceux pour qui c’est le plus difficile. » La situation du personnel de ménage au sein de notre établissement semble indiquer qu’il s’agissait là d’une simple politique d’affichage.


Enfin nous rappelons qu’en refusant systématiquement d’appliquer le droit d’information syndical, la direction nous a fait perdre un temps précieux dans la diffusion d’informations à tous les personnels et étudiant.es hébergé.es par l’ENS, créant notamment un frein indu vis-à-vis du droit d’alerte.


Nous continuerons donc à œuvrer pour que soient respectés les droits des travailleurs et travailleuses sur site et pour la défense des valeurs qui manquent encore grandement dans le service public de l’Enseignement supérieur et de la recherche, telles que le respect et la dignité de toutes les personnes de la communauté de travail, valeurs qui passent notamment par la lutte contre les inégalités et les discriminations de genre, de classe et de race.
Bien à vous,



Réponse de la direction à la pétition signée par 150 personnes

Remise en perspective générale


A ce jour, des dizaines de prestataires de service sont susceptibles d’intervenir chaque jour sur nos sites comme pour tous les établissements publics en France que ce soit dans le
cadre de marchés publics, de contrats


Les points que vous soulevez appellent les précisions et réponses suivantes :

Cadre juridique. L’entreprise en charge des prestations de nettoyage des locaux est titulaire d’un marché public. Il ne s’agit en aucun cas de sous-traitance mais de prestations
de service définies dans le cadre d’une relation contractuelle. En matière de marchés publics, la sous-traitance est l’opération par laquelle l’opérateur titulaire d’un marché public
qui présente lui-même les caractéristiques d’un contrat d’entreprise confie à un opérateur tiers, par contrat et sous sa responsabilité, l’exécution d’une partie des prestations qui lui
ont été confiées par l’acheteur. L’acte de sous-traitance et l’agrément de ses conditions de paiement doivent avoir été acceptés par le pouvoir adjudicateur. L’ENS ne sous-traite
pas des marchés publics sans application stricte du code de la commande publique et des dispositions relatives à la sous-traitance ; elle conclut des marchés publics directement
avec les entreprises attributaires.


Changement de prestataire. Au 1er Avril 2020, l’ENS a changé de prestataire de ménage, et une période préparatoire d’un mois a été laissée au titulaire du nouveau marché de nettoyage afin d’organiser la passation entre les deux entreprises et la prise en main du site. Conformément à la convention collective nationale des entreprises de propreté, les personnels avaient la garantie du maintien de leur emploi et de leur salaire, en choisissant de continuer à travailler avec le précédent prestataire (sur un autre lieu) ou de rejoindre
le nouveau titulaire (pour continuer à entretenir les locaux de l’ENS). Il était essentiel de maintenir le transfert de marché à cette période afin d’éviter aux personnels concernés un « flou » à ce sujet « pendant plusieurs semaines ». Tels étaient les principes à suivre, ils ont été suivis.


• Il est à noter que certains personnels n’avaient toutefois pas reçu leur courrier recommandé de reprise car la Poste ne fonctionnait déjà plus partout à cause de la crise, mais ils ont reçu directement un courriel de notification de la part du nouveau prestataire pour pallier les soucis liés à la distribution du courrier.


Activités des prestataires sur site durant la période de confinement. Une fois le marché de nettoyage entré en vigueur, un ordre de service de suspension partielle et temporaire des prestations a été signé par les parties prenantes sur la période allant du 17 avril au 10 mai, applicable à la majeure partie des prestations, les obligations contractuelles n’étant plus honorées (les agents concernés se sont retrouvés en situation de chômage partiel). Compte tenu de la fermeture des sites de l’ENS et de leurs horaires de travail, les personnels ayant travaillé sur le site entre le 17 avril et le 11 mai (10 personnes par jour au maximum, tous sites confondus) n’étaient pas en contact avec les personnels et les étudiants de l’ENS. Ils ont exercé leur métier dans de bonnes conditions et dans le strict respect des gestes barrière. Ils bénéficiaient de tous les équipements requis, sans avoir toutefois l’obligation de porter un masque vu l’absence de contacts rapprochés ou prolongés avec les personnels de l’ENS.

• De même, l’effectif des personnels de gardiennage a été réparti entre le jour et la nuit et le nombre de leurs postes de travail a été augmenté, de façon à ce qu’ils puissent s’y trouver seuls. Les postes de sécurité ont fait l’objet d’aménagements de façon à ce qu’il n’y ait pas de contact entre les agents de sécurité et les personnes accueillies (un écran de protection à Panthéon et des zones de courtoisie, puis des écrans de protection, à Jourdan et à Montrouge). Les rondes dans les internats ont été supprimées durant les
périodes d’éveil des internes. Par ailleurs, les personnels ont toujours disposé de consignes claires et régulièrement actualisées quant à la protection contre la Covid-19. Enfin, des masques chirurgicaux et des masques FFP2 ont toujours été à disposition des agents qui auraient été amenés à pratiquer une éventuelle assistance à personne ayant des symptômes de la Covid-19.


Obligations de l’employeur et plans de prévention. Le titulaire de marché de nettoyage a bien établi un plan de continuité d’activité détaillé avant le début de l’épidémie, dès le mois de janvier 2020. Ce plan de continuité d’activité a été communiqué à l’ENS (par exemple, il prévoyait des navettes pour leurs personnels). Par ailleurs, l’ENS a signé un plan de prévention avec l’entreprise titulaire du nouveau marché avant le début des prestations, au mois de mars 2020. Ce plan de prévention a fait l’objet d’un avenant au début du mois de mai 2020 après avoir échangé de nombreuses consignes relatives à la protection contre la Covid-19 par mail durant le mois d’avril dernier.
• Et un avenant au plan de prévention (reprenant les consignes citées au point précédent) a été signé avec l’entreprise de gardiennage au début du mois de mai 2020.
• En matière de règles relatives à l’hygiène et à la sécurité, les dispositions applicables découlent des articles L. 4111-1 à 5 du code du travail. L’ENS ne peut pas se substituer à la responsabilité de l’employeur pour les personnes placées sous son autorité. Aucun lien de subordination ne peut être établi entre l’ENS et les personnels des entreprises
extérieures.
• Toutefois, l’ENS s’est préoccupée non seulement de la sécurité de ses propres personnels mais aussi de ceux des entreprises extérieures pendant toute cette période inédite. Le lien a été constant avec les responsables des personnels des sociétés de ménage et de gardiennage, qui ont été informés des mesures prises par l’ENS et des consignes de sécurité applicables.

Information sur les droits. Comme dans la fonction publique, tout salarié du secteur privé peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix pour faire valoir ses droits et se faire représenter au sein de son entreprise. Par ailleurs, une information relative aux mesures exceptionnelles applicables issues du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a été communiquée à l’entreprise. De même, un rappel sur les obligations générales incombant à l’employeur en matière de santé et sécurité au travail a été entrepris.

Équipements de protection. Cette pétition résulte peut-être des manques de compréhension sur l’application des consignes sanitaires, qui ont évolué fréquemment et rapidement au cours de cette période. Il y a eu des périodes où le port du masque n’était pas recommandé (hormis aux malades), puis il a été préconisé. Il y a aussi les pratiques individuelles (qui n’ont rien à voir avec les équipements fournis par l’employeur) et il faut rappeler que le port du masque n’est pas obligatoire en entreprise. En revanche, l’entreprise titulaire du marché de nettoyage a fourni des masques chirurgicaux à ses personnels ainsi que des gants jetables dès le 1er avril 2020, des flacons de solution hydroalcoolique à compter de la mi-avril.

Déclaration des intervenants sur sites ENS. 24 personnels de la société titulaire du marché de prestations de ménage travaillent actuellement sur les sites de l’ENS mais nous
ne pouvons pas légalement fournir la liste nominative de ces personnes et il faut rappeler que c’est l’entreprise qui détermine le nombre de personnels nécessaires à la bonne
exécution de la prestation.
• Par ailleurs, 6 personnels de la société titulaire du marché de gardiennage sont également présents sur nos sites (5 personnels de nuit et 1 personnel en journée).

Pour conclure :

La démarche d’internalisation de prestations de ménage n’est plus choisie par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche à ce jour et ce depuis de nombreuses années. Ce choix correspond à la nécessité, pour l’ENS comme pour les autres établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche, de concentrer les ressources disponibles (notamment en termes de plafond d’emploi public) pour venir en soutien aux missions essentielles de formation et de recherche.